La veille de mon anniversaire, André m’a appelé, la voix saccadée comme s’il conduisait. « Maman, il faut qu’on repousse un peu le voyage. » Mon cœur s’est serré. « Ça fait combien de temps, “un peu” ? » « Deux semaines. Je dois m’organiser. » J’ai avalé ma salive. « D’accord. Au moins, tu passeras demain dîner ? » Un silence. « Bien sûr. Je ne raterais pas ça. »
Ça me suffisait. La vie est mouvementée. Les projets changent. Au moins, je les verrais.
La table pour cinq
Une maison pleine de chaleur, une chaise restée vide.
Le matin de mon anniversaire, j’ai mis ma playlist gospel, préparé du café et me suis mis au travail. Poulet frit, patates douces, macaronis au fromage, haricots verts et dinde fumée. J’ai préparé une tarte à la patate douce maison – à la vanille cette fois. J’ai sorti la belle porcelaine à bord doré et dressé la table pour cinq personnes : moi ; André ; sa femme, Brianna ; leur fille, Imani ; et peut-être une assiette pour Tyrell du coin s’ils lui en apportaient une.
J’ai enfilé la robe bleue à fleurs qui, selon mon mari, me rajeunissait de dix ans. J’ai bouclé mes cheveux, appliqué une touche de rouge à lèvres et allumé les grandes bougies que je garde habituellement pour Pâques. À cinq heures, j’étais prête. À six heures, j’ai commencé à m’inquiéter. À sept heures, j’ai réchauffé le plat – deux fois. À huit heures, j’ai arrêté de regarder la fenêtre. À neuf heures, j’étais seule à table.
Les bougies avaient fondu à moitié. La nourriture était froide. Mon rouge à lèvres avait coulé. Je fixais les assiettes vides en me disant qu’il y avait peut-être eu une urgence, une confusion, une batterie de téléphone à plat. Mais je savais. Personne ne viendrait.
Lire la suite sur la page suivante >>